Rêveries poétiques...
Le rêveur héroïque

L'horizon était bleu, peut-être était-il noir?

Etait-on le matin, la journée ou le soir ?

Faisait-il chaud ou froid ? Le soleil brillait-il ?

Quelle était la saison ? Quelle heure était-il ?

Voyageait-il au sud ? Se trouvait-il au nord ?

Du haut de la montagne voyait-on quelque fiord ?

La fin de ce désert et plus loin la forêt ?

Peut-être un village ? Un endroit habité ?

 

Il avait bien marché, il avait tout compris,

Mais saurait-il narrer ? Il était amoindri,

Sa vue n'était pas bonne, ses sens instigateurs

Pouvaient, sur, le flouer et l'induire en erreur.

Abusé par lui-même ne se tromperait-il point ?

Car le bruit entendu, était-il près ou loin ?

C'était comme un grand « plouf » accompagné d'un cri,

Un bruit sourd indistinct, étouffé, assourdi

Par les arbres, les murailles, les buissons et les haies,

A demander parfois s'il a bien existé.

 

Tout est incertitude, la tête répond mal

Aux interrogations, il se sent animal.

Où? Quand? Comment ? Il a perdu la trame

Du jour, du lieu et des détails du drame.

Il nage en plein brouillard, les cellules s'entrechoquent

Les idées sont en bernes, la machine débloque.

Tel un écheveau les fils sont emmelés,

Pour la fin de l'histoire le cerveau s'est cassé.

 

Dans son trouble, il lui semble que des gens le désigne,

Des êtres accusateurs et qui du doigt l'assigne,

Il entend : coupable, assassin, vite on le somme

D'avouer, c'est bien lui et non point un autre homme

Qui a commis le crime, des preuves, ils en ont,

Mais est-ce une vengeance ? Qu'elle en est la raison ?

L'a-t-il fait exprès ? Serait-ce une maladresse ?

Sa pauvre tête a-t-elle à nouveau des faiblesses ?

Alors notre héros repart en extase

Il vogue en plein bonheur, tout son être s'embrase.

Aveugle, sourd, muet, en plus paralytique

Il va par un effort se rendre héroïque.

 

Il reprend son roman, tourne le dévidoir,

Il s'évade, et son rêve lui offre un peu de gloire.

Ces gens là ont raison, mais il s'est fait justice

En poussant cette femme au fond du précipice.

Il l'aimait, l'adorait, la beauté sans égale,

A la taille gracile, au maintien de vestale.

Mais elle s'était moquée, en raillant son amour,

Le trouvant à la foi trop humble et trop balourd.

Se voyant rejeté, bafoué, insulté,

Dans son coeur d'homme fier et dans sa dignité,

Il s'était emporté, la colère est aveugle.

Et du haut des rochers l'avait poussé au fleuve.

 

Il reconnaissait tout, était prêt à payer

Et personne sur lui devait s'apitoyer.

Son nom fera la une de tous les quotidiens,

Mais au fond de lui-même, il ne regrette rien.

Et s'il est mis à terre et traîné dans la boue

Il saura se défendre et souffrir jusqu'au bout.

Condamné, son courage fera l'admiration

Des jurés, des médias, de la population.

 

Alors cet homme, planant dans un monde un peu fou,

S'endort, laissant apparaître un sourire très doux.

Il n'est plus cloué dans un fauteuil d'infirme,

Isolé, démuni, dans son rêve il s'exprime.

Dans les années futures par sa vie de souffrances

Il se voit, pour les autres, comme une référence.

 

Le chemin bien que rude est déjà moins pierreux,

Visage reposé, respiration tranquille, il est heureux.

Malut Desgraulges