Là-bas tout au fond du pré,
Entourée d’une herbe verte,
Une source y est cachée,
Un jour je l’ai découverte.
De terre elle surgit ruisselante,
Joyeusement elle s’ébat,
Saute, pleure ensuite chante
Glousse et rit aux éclats.
Une légende bien lointaine
Circule, et dit que cette eau pure
Guérissait maintes migraines ;
« Un vieux présage des augures ».
Un bain dans son eau claire
Calmait fièvres et douleurs,
Et les femmes désirant plaire
Venaient y jeter quelques fleurs.
Dans le cours de graviers et de pierres,
Existe encore un vieux lavoir,
Dans le temps les lavandières
S’activaient fort sur leur battoir.
Elles étaient là, lavant leurs nippes,
Nos commères, et à grand train
Une lèvre faisant la lippe
Disséquaient tout grain à grain.
Elles médisaient comme à la foire,
Parmi les bulles de savon,
Taillaient bavettes et bavoirs,
Hachant menu chaque maison.
Aujourd’hui c’est la solitude,
La source est à l’abandon,
Le lavoir en décrépitude
Nourrit la mousse et les joncs.
Mais la source est toujours présente,
Son lit est encombré de ronces,
Malgré tout encore elle chante,
L’eau têtue jamais ne renonce.
En écartant quelques racines,
Assis dans l’herbe j’ai écouté,
Et là ! oh surprise divine
Dans un murmure elle m’a parlé.
Elle m’a raconté des histoires
De renardeaux jouant entre eux,
D’oiseaux se disputant pour boire,
Et de papillons merveilleux.
Sur l’être humain, elle est sévère
Et porte un sacré jugement,
Il se complait à faire la guerre,
Se pourrait-il vivre sagement ?
Ah ! si pour les siècles passés
Pour le notre et tous les prochains,
Les hommes avaient su et savaient
Loyalement donner la main.
Ils goûteraient des joies nouvelles
Tout en vivant fiers et debout,
Les difficultés s’amoncellent,
Il leurs faut vaincre les tabous.
Adieu, je cesse mon gazouillage
Et ne parlerai plus jamais,
Sauf, si un jour devenus sages
Les hommes ont appris à aimer.
Depuis, souvent au fond du pré,
Je vais pour ouïr la voix fluette,
Je reste là, jusqu’à véprée,
Mais la source est toujours muette.