Rêveries poétiques...
La patrouille

La mer est invisible, un manteau de brume

Epais, humide, sale de bave et d’écume

Enveloppe la côte, les rochers, les maisons.

Les arbres, épouvantails noyés dans ce coton,

Agitent lentement leurs membres décharnés,

Le vent venant du large vient les déraciner.

Ces fantômes, (hier encore majestueux et grands),

S’abattent éventrés, frissonnants et tremblants.

Les maisons ventre ouvert, par leurs blessures béantes,

Implorent vainement la fin de la tourmente.

Le moindre arbrisseau surgissant du néant,

Fait craindre l’inconnu, le pire qui vous attend.

Le sol aux alentours, n’est plus que plaies et bosses,

Parsemé de cratères ressemblant à des fosses.

Tout semble anéanti dans ce triste univers,

La vie s’en est allée de ce monde pervers.

 

C’est la guerre ; affreuse, et chacun dans sa peur,

Voit, comme dans un vertige sonner sa dernière heure.

Des hommes avancent, tenant d’une main experte

Une arme, prêts à faire feu à la moindre alerte.

Ils marchent, la fatigue engourdie tout le corps,

Chaque pas dans la boue demande un effort.

Ils vont, soldats perdus dans la froide pénombre,

Devinant l’ennemi qui de confond à l’ombre.

Sans bruit gorge serrée, la peur au creux du ventre,

Se demandant lequel la mort s’en viendra prendre,

Disciplinés aveugles, sinistres et misérables.

Ils progressent, sonnés, pauvres tueurs lamentables.

Mais au fond d’eux même les questions se bousculent,

Des pourquoi ? des pour qui ? en lettres majuscules,

Obéir, obéir, cet ordre scélérat

Les emmène à la guerre, les fait tuer au combat,

Les brisent, les plient, ils en deviennent infâmes,

Et s’ils gardent la vie, ils y brûlent leur âme.

Des décisions de Rois, Présidents ou Ministres,

De chefs militaires, tous au pouvoir sinistre

Ont fait de ces soldats des pions conditionnés,

Durs, cruels, martyrs, mitrailleurs, mitraillés ;

Des êtres morts vivants au regard sans flamme,

Détruits à l’intérieur aux souvenirs de drames,

Ils ont servi d’efforts, de victimes, de bourreaux,

Les autres, disparus, morts, serviront de héros.

 

Alors à la patrouille déployée dans la plaine,

Sous le masque figé de crainte et de haine,

Nous disons en pensant à tous ces compagnons

Que le cœur dans l’angoisse, nous les accompagnons.

Nous disons halte aux guerres, voilà le fond des choses,

Arrêtons les tueries, quel qu’en soit les vraies causes.

Vieillissons dans la paix, qu’elle soit universelle,

Et même utopique, rêvons, la suite serait belle.

Malut Desgraulges