Rêveries poétiques...
Le vieillard à la canne

Le soleil déploie ses rayons printaniers,

La terre se réchauffe et lentement revit.

Tout sur cette terre redonne du gosier

Crie, rit, chante en chœur ou même se défie.

 

C’est la fin des jours vécus en vase clos,

Les maisons ouvrent grand les portes, les fenêtres.

Un sang neuf coule en nous, irradie notre peau

On aspire goulûment l’air pur qui nous pénètre.

 

Alors, vacillant, les membres engourdis,

Tassé sous le poids des nombreuses années ;

Le vieillard à la canne par le jour ébloui,

Avance pas à pas sur ses jambes rouillées.

 

Il va.

Il goûte avec délice le miel qu’est le printemps.

Son pas est hésitant, désuni, saccadé.

La rondeur de son dos, s’inclinant vers l’avant

Fait croire à chaque pas la chute rattrapée.

 

Il va.

Il a la patience que lui confère son âge,

Le but qu’il veut atteindre bien que peu éloigné,

Demande un tel effort, que c’est dans une image,

Qu’il puise son courage et trouve la volonté.

 

Il va.

Le chemin suivi est bordé de grands chênes,

Aux branches encore nues percent quelques bourgeons.

Le vent dans les sommets s’agite et se déchaîne,

Venant fraîchir l’azur du début de saison.

 

Il va.

A l’abri des buissons sortant de leur cachette

Les renoncules s’étalent en jaune éclatant.

Primevères, myosotis et premières pâquerettes

Côtoient les fières jacinthes au vert sombre inquiétant.

 

Il va.

Finissant cette allée qui se veut promenade,

Une grille rouillée s’entrouvre en grinçant.

En entrant dans ce lieu son cœur bat la chamade,

Au petit cimetière qui se veut accueillant.

 

Il va.

Dans cet endroit de paix où repose l’absente,

On aperçoit au loin au travers des cyprès

La plaine qui ondule, la rivière qui serpente,

Un village s’accrochant à son petit clocher.

 

Il va.

Qu’importe au vieillard les arbres, la vallée,

La rivière, le village et même son clocheton.

Sa pensée va vers celle qui vient de s’en aller,

Le laissant démuni, dans un triste abandon.

 

Il s’arrête enfin à la tombe de pierre,

Son pourtour de marbre est rongé par le temps,

Dans chaque alvéole la mousse et le lierre,

Lui font une couronne que fleurit le printemps.

 

Seul, il se recueille, l’esprit vide, dérouté.

De ses yeux s’échappent de fines gouttelettes.

S’agenouillant enfin, d’un geste emprunté,

Tendrement il dépose un bouquet de violettes.

 

Malut Desgraulges